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Hassan Le Berbère
15 mars 2017

Les trolls de brevets

Google et Apple sont les deux entreprises les plus importantes dans le monde, et les gagnants indéniables de l’essor des smartphones. Dans leur sillage se trouve le fabricant de téléphones Nokia, qui a été vendu à Microsoft et a finalement fait faillite. Mais quand il s’agit de se prémunir contre l’arsenal de brevets que Nokia avait déposés durant ses années au sommet, les poids lourds américains de la technologie veulent passer pour des victimes de pratiques injustes et anticoncurrentielles. Cette ironie plutôt délicieuse date de la semaine dernière, lorsqu’Apple a déposé une plainte antitrust privée contre deux sociétés qui ont agi comme garantes du portefeuille des brevets de Nokia. Apple accuse Nokia de profiter du système juridique à des fins frauduleuses, en fractionnant ses brevets et en les confiant à des entreprises spécialisées. En cette période de rhétorique en surchauffe en matière de propriété intellectuelle, Nokia est devenu le plus détestable des animaux?: un “patent troll” ou troll de brevets. Il y a quatre ans, Google s’est attaqué au même arrangement en déposant une plainte devant les régulateurs européens. Il accusait la société finlandaise et Microsoft de “comploter” pour augmenter les prix des smartphones et de contourner les autorisations de brevets essentielles au bon fonctionnement des marchés technologiques. Aujourd’hui, il est tentant de considérer tout cela comme une bataille entre entreprises très riches. Mais l’affaire met en évidence une question importante pour l’ensemble de l’industrie de la technologie. “Selon certains, ces mercenaires n’ont aucun scrupule à profiter d’un cadre juridique fragile pour exiger des redevances excessives” Il s’agit des Patent Assertion Entities, ou PAE (sociétés de gestion de brevets), sociétés spécialisées créées pour acheter et faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Selon certains, ces mercenaires n’ont aucun scrupule à profiter d’un cadre juridique fragile pour exiger des redevances excessives, et bouleversent l’équilibre délicat entre les inventeurs et les entreprises qui tirent profit de leurs inventions dans le secteur de la technologie. Certains aspects des mesures d’application des brevets sont plus désagréables que d’autres. Dans une étude récente, la Federal Trade Commission américaine approuve globalement ce qu’elle désigne sous le terme de “portefeuille PAE” – les entreprises qui achètent de gros volumes de brevets –, car elles remplissent une fonction économique utile et plus de la moitié d’entre elles partagent des bénéfices avec les inventeurs. Elles sont certes plus disposées à recourir aux actions en justice que les entreprises de technologie qui ont, elles, des relations industrielles à préserver, et elles ont l’expertise et les capitaux nécessaires pour se lancer dans des batailles judiciaires. Mais cela ne les rend pas mauvaises en soi. Une deuxième question, plus sérieuse, est de savoir si les PAE se livrent à une guerre asymétrique. En tant qu’entités juridiques d’exception, qui ne possèdent aucune entreprise d’exploitation, elles peuvent intenter des poursuites sans crainte d’être poursuivies en retour. Elles pourraient également servir de sociétés écran aux véritables propriétaires de brevets, et éviter ainsi les pressions que pourraient exercer les avocats des entreprises qui ont originellement déposé les droits de brevet. Ces effets secondaires, bien que désagréables, semblent acceptables s’ils sont annulés par les avantages de l’externalisation des droits légaux. Mais il y a d’autres conséquences, plus pernicieuses, qui peuvent être plus difficiles à avaler. Le premier est le secret entourant certaines PAE. Lorsque le bénéficiaire ultime d’une action en justice est caché, il est impossible pour les accusés de se défendre par leur propre action légale. Les PAE peuvent également recourir à des tactiques douteuses, par exemple, diffuser des brevets par le biais d’entités juridiques différentes, puis obliger une entreprise comme Apple à acheter plusieurs licences pour la même technologie. Cette pratique est connue dans le secteur comme le “cumul des redevances”. Une autre préoccupation est de savoir si certaines entreprises ont utilisé des PAE pour échapper à leurs obligations de maintenir des normes ouvertes au secteur. Quand elles possèdent des brevets dans la tech qui jouent un rôle dans les normes industrielles, des compagnies comme Nokia acceptent de limiter l’agressivité avec laquelle elles font faire valoir leurs droits. Mais lorsque les brevets sont détenus par une entreprise sans lien de dépendance, ces contraintes peuvent ne pas s’appliquer. “Les manœuvres judiciaires d’Apple auraient plus de poids si Apple n’avait pas été accusé de s’opposer aux méthodes courantes du secteur en ce qui concerne les normes technologiques” Les manœuvres judiciaires d’Apple auraient plus de poids si Apple n’avait pas été accusé de s’opposer aux méthodes courantes du secteur en ce qui concerne les normes technologiques. Dans l’une des plaintes, Nokia accuse le fabricant de l’iPhone de refuser d’octroyer une licence pour un ensemble de brevets utilisés dans la norme de compression vidéo H.264, même si de nombreuses autres entreprises de tech ont accepté ces mêmes termes. Il est également peu probable que les régulateurs européens de la concurrence défendent des groupes tech américains qui font parallèlement l’objet d’enquêtes à Bruxelles. Alors que les montants en jeu augmentent et que les agents chargés de la protection des brevets font maintenant partie du paysage juridique, un suivi plus attentif de leurs stratégies aurait dû avoir lieu.

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Hassan Le Berbère
  • Bienvenue sur mon petit site. Je suis Hassan, un berbère des montagnes qui vit aujourd'hui dans le 7ème arrondissement de Paris, très chic, à force de travail et d'énergie. Voici mes pérégrinations.
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