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Hassan Le Berbère
30 janvier 2018

L’importance de l’aide mutuelle

L'importance du facteur d'aide mutuelle - «si sa généralité ne pouvait être démontrée» - n'échappa pas au génie naturaliste si manifeste chez Gœthe. Quand Eckermann raconta une fois à Goethe - c'était en 1827 - que deux petits rongeurs, qui s'étaient enfuis de lui, furent retrouvés par lui le lendemain dans le nid de rouge-gorge (Rothkehlchen), qui nourrissait les petits, ainsi que leurs propres jeunes, Goethe a grandi très excité à propos de ce fait. Il y vit une confirmation de ses vues panthéistes et dit: «S'il est vrai que cette nourriture d'un étranger traverse toute la nature comme quelque chose ayant le caractère d'une loi générale, alors beaucoup d'énigmes seraient résolues. Il revint sur cette question le jour suivant, et supplia très sincèrement Eckermann (qui était, comme on le sait, un zoologiste) de faire une étude spéciale du sujet, ajoutant qu'il viendrait sûrement «à des trésors de résultats inestimables» ( Gespräche, édition de 1848, volume III, pages 219, 221). Malheureusement, cette étude n'a jamais été faite, bien qu'il soit très possible que Brehm, qui a accumulé dans ses travaux des matériaux si riches par rapport à l'aide mutuelle parmi les animaux, ait pu s'inspirer de la remarque de Goethe. Plusieurs travaux d'importance ont été publiés dans les années 1872-1886, portant sur l'intelligence et la vie mentale des animaux (ils sont mentionnés dans une note au chapitre I de ce livre), et trois d'entre eux traitaient plus particulièrement du sujet considéré ; à savoir, Les Sociétés animales, par Espinas (Paris, 1877); La Lutte pour l'existence et l'association pout la lutte, conférence de J.L. Lanessan (avril 1881); et le livre de Louis Buchner, Liebe und Liebes-Leben in der Thierwelt, dont la première édition parut en 1882 ou 1883, et un second, beaucoup plus volumineux, en 1885. Mais si excellentes que soient ces œuvres, elles laissent une grande place à un un travail où l'aide mutuelle serait considérée, non seulement comme un argument en faveur d'une origine pré-humaine des instincts moraux, mais aussi comme une loi de la nature et un facteur d'évolution. Espinas consacra son attention principale à de telles sociétés animales (fourmis, abeilles) qui sont établies sur une division physiologique du travail, et bien que son travail soit plein d'allusions admirables dans toutes les directions possibles, il a été écrit à une époque où l'évolution des sociétés humaines ne pouvait pas encore être traité avec la connaissance que nous possédons maintenant. La conférence de Lanessan a plutôt le caractère d'un plan général d'une œuvre, brillamment mis en scène, où l'on se soutiendrait mutuellement, en commençant par les rochers de la mer, puis en passant le monde des plantes, des animaux et des hommes. Quant à l'œuvre de Buchner, si suggestive qu'elle soit et riche de faits, je ne saurais être d'accord avec son idée directrice. Le livre commence par un hymne à l'amour, et presque toutes ses illustrations sont destinées à prouver l'existence de l'amour et de la sympathie parmi les animaux. Cependant, réduire la sociabilité animale à l'amour et à la sympathie signifie réduire sa généralité et son importance, de même que l'éthique humaine fondée sur l'amour et la sympathie personnelle n'a contribué qu'à réduire la compréhension du sentiment moral dans son ensemble. Ce n'est pas l'amour de mon prochain, que je ne connais pas du tout, qui m'incite à saisir un seau d'eau et à se précipiter vers sa maison quand je la vois en feu; c'est un sentiment beaucoup plus large, bien que plus vague, ou un instinct de solidarité humaine et de sociabilité qui m'émeut. Donc c'est aussi avec les animaux. Ce n'est pas l'amour, et même pas la sympathie (comprise dans son sens propre) qui incite un troupeau de ruminants ou de chevaux à former un anneau pour résister à une attaque de loups; pas l'amour qui pousse les loups à former une meute pour la chasse; pas l'amour qui incite les chatons ou les agneaux à jouer, ni une douzaine d'espèces de jeunes oiseaux à passer leurs journées ensemble en automne; et ce n'est ni l'amour ni la sympathie personnelle qui amène plusieurs milliers de daims dispersés sur un territoire aussi vaste que la France à former une vingtaine de troupeaux séparés, marchant tous vers un point donné, pour y passer une rivière. C'est un sentiment infiniment plus large que l'amour ou la sympathie personnelle - un instinct qui s'est lentement développé parmi les animaux et les hommes au cours d'une évolution extrêmement longue, et qui a enseigné aux animaux et aux hommes la force qu'ils peuvent emprunter l'aide et le soutien, et les joies qu'ils peuvent trouver dans la vie sociale.

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Hassan Le Berbère
  • Bienvenue sur mon petit site. Je suis Hassan, un berbère des montagnes qui vit aujourd'hui dans le 7ème arrondissement de Paris, très chic, à force de travail et d'énergie. Voici mes pérégrinations.
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